Le décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 prolonge l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes jusqu’au 11 mai 2020.

1- Quels critères prendre en compte pour décider du maintien ou de l’abandon d’un événement ?

Nous avons identifié les critères suivants :

  • Capacité à assurer la sécurité sanitaire des événements compte tenu des mesures prises par les autorités publiques (réglementation de la densité des participants, mise en œuvre des mesures barrières, nettoyage… -un référentiel est en cours d’élaboration) ;
  • Capacité à convaincre les participants de maintenir leur présence (compte tenu des restrictions des politiques de conformité groupe et des réorientations des priorités des politiques commerciales groupe) ;
  • Capacité à accueillir les participants dans un contexte d’offre perturbée (transport, hébergement, restauration…) et de circulation entravée (fermeture / ouverture des frontières…) ;
    … Et évidemment :
  • Capacité à produire une édition non perçue comme dégradée (en termes de visibilité, de logistique, de fréquentation, d’animation…) et préjudiciable à l’image de l’événement ;
  • Capacité à négocier des conditions d’annulation avec les exposants sauvegardant l’événement et l’organisateur lui-même…

2- Report ou annulation ?

L’article 1218 du Code civil sur la force majeure a, comme on le sait, pour effet :

  • de dégager l’organisateur de sa responsabilité contractuelle ;
  • de permettre, le cas échéant, d’activer la clause de report / annulation de ses CGV ou la garantie de son contrat d’assurance annulation.

Il pose 3 conditions (l’extériorité, l’imprévisibilité, l’insurmontabilité) et 2 solutions (le report, si l’empêchement est temporaire et si le retard qui résulte de ce report ne justifie pas la résolution du contrat ; l’annulation si l’empêchement est définitif).

Dans quel délai ce report doit-il s’opérer ?

Les juristes répondent « un délai raisonnable ». Pour un événement par exemple, il serait par exemple possible d’envisager que le délai raisonnable, c’est la moitié du délai qui sépare deux éditions successives… sauf événement inscrit dans une stricte saisonnalité évidemment (ex. salon du mobilier de jardin), impossible à reporter.

En pratique, nous observons qu’il peut être de l’intérêt de l’organisateur de privilégier, officiellement, l’option du report (y compris le report sur l’année suivante qui, juridiquement, paraît bien artificiel) par rapport à celle de l’annulation. Le choix de l’option à retenir se fera en examinant de manière combinée l’état des lieux juridique (contexte de la décision, CGV…) et la marge de manœuvre commerciale (gestes commerciaux envisageables…).

Il est possible de résumer comme suit les conditions et les effets respectifs de ces deux options.

2.1 – Le report 

Conditions : les conditions de la force majeure sont réunies (report pour interdiction administrative par un arrêté ministériel ou préfectoral) ou le contrat fait référence au RGMC d’UNIMEV (report « pour nécessité impérieuse » – article 01.02 du RGMC).

Effets : les obligations des parties sont suspendues, les fonds versés sont conservés en trésorerie et enregistrés en comptabilité comme des avoirs par l’organisateur et ils seront reportés sur l’exercice 2021 comme produits perçus d’avance.

Est-il possible d’imposer le report à un exposant ?

Dès lors qu’il est posé dans un délai raisonnable, c’est-à-dire un délai qui n’affecte pas significativement les attentes que les exposants peuvent avoir de la prestation fournie, l’organisateur peut imposer ce report qui lui est, à lui-même, imposé par la loi. En pratique, l’organisateur notifie les nouvelles dates et engage une négociation commerciale avec les exposants qui justifient de leur incapacité à participer à l’édition reportée.

2.2 – L’annulation

Conditions : les conditions de la force majeure sont réunies (report pour interdiction administrative par un arrêté ministériel ou préfectoral).

Effets : le contrat est résolu, les fonds versés sont conservés/remboursés dans les conditions prévues par les CGV de l’organisateur, les comptes sont soldés et un chiffre d’affaires 2020 est réalisé à hauteur du montant du prix acquis à l’organisateur.

3- Annuler un événement postérieur à la période d’interdiction

3.1 – Evénement planifié pendant la période d’interdiction administrative de rassemblements de personnes

Annuler un événement planifié pendant la période d’interdiction administrative de rassemblements de personnes, c’est, évidemment, s’appuyer sur la force majeure.

3.2 – Evénement planifié au-delà de la période d’interdiction

En l’absence d’interdiction administrative formelle, la force majeure n’est pas caractérisée et l’organisateur se trouve devant l’alternative suivante :

– Attendre l’arrêté d’interdiction

C’est, en théorie, la position la plus simple en pratique ; mais c’est une position qui devient vite intenable, les exposants se faisant de plus en plus pressants au fur et à mesure que le maintien de l’événement se fait de plus en plus improbable.

– Annuler en démontrant, par tout moyen de preuve, que la condition d’insurmontabilité de la force majeure est satisfaite

L’organisateur établit et expose, par des éléments documentés, que les conditions ne sont pas réunies pour envisager le maintien de l’événement :

  • pour la communauté des participants : conditions de préparation, de montage et de déroulement préservant la santé et la sécurité de tous ;
  • pour les exposants : conditions de préparation de la participation à l’événement, de configuration/ transport des matériels nécessaires, et de déplacement en France ;
  • pour les visiteurs : conditions de planification d’un déplacement en France.

Reste alors à établir que les modalités d’un report ont été étudiées et n’ont pas été concluantes (par ex. indisponibilité des sites envisagés).

Notons incidemment que la réglementation de la sécurité des événements en matière de panique et d’incendie (Règlement du 25 juin 1980 sur la sécurité des ERP) pourrait être d’un secours utile : elle impose, comme nous le savons, aux organisateurs de demander une autorisation administrative au moins 2 mois avant l’ouverture de l’événement (article T5). Le refus d’une telle autorisation serait un élément décisif dans la constitution du faisceau d’indices caractérisant la force majeure.

4- Engagement et encaissement : bien distinguer les leviers de la négociation commerciale en cas d’annulation

La politique commerciale est définie à partir de l’état des lieux juridique (contexte de la décision, CGV…).

Elle peut être modulée en jouant sur les 2 paramètres que sont :

  • le prix facturé, c’est-à-dire la créance détenue sur le client : l’organisateur exige le paiement de la totalité ou d’une fraction du prix, voire y renonce.
  • les acomptes et soldes versés, c’est-à-dire les fonds perçus du client : l’organisateur conserve les fonds, en concède le remboursement ou propose leur conversion en avoir.

Les CGV des organisateurs font alternativement référence à l’un ou l’autre de ces paramètres. Cela détermine évidemment les conditions de liquidation des sommes dues.

Notons que la politique commerciale peut combiner communication homogène et négociation différenciée.

5- Quelles clauses contractuelles insérer dans ses CGV pour faciliter la commercialisation d’un événement dans le contexte actuel ?

La commercialisation des événements planifiés sur le dernier trimestre 2020 et le premier trimestre 2021 n’est pas simple. Les clients sont indécis et ne signent pas.

L’obtention des signatures des clients sera évidemment facilitée par l’insertion de clauses assouplissant les conditions initiales voire stipulant un remboursement intégral des fonds versés en cas d’annulation (voir – Flash Info 18 mars 2020 – point 6). Ce qui n’est, en fait, que la traduction du droit commun.

En contrepartie, l’organisateur pourra faciliter sa propre position en étendant contractuellement les cas de force majeure à des motifs légitimes de report ou d’annulation qui ne respecteraient pas les conditions d’imprévisibilité et surtout d’insurmontabilité (ex. non-viabilité économique de l’événement, crise sanitaire, nouvelle vague de Covid-19/mutation de Covid-19 ne générant pas d’interdiction administrative, grève, blocage des transports…).

A l’avenir, il conviendra de réfléchir à l’opportunité de systématiser l’adossement de la clause limitant, pour le client exposant, le remboursement du prix en cas d’annulation à une proposition de souscription d’un contrat d’assurance annulation.